Déni cosmique
On parle beaucoup en ce moment du film « Don’t Look Up. Déni cosmique » diffusé sur Netflix. Le casting est superbe avec, entre autres, Jennifer Lawrence, Leonardo DiCaprio, Kate Blanchett et Meryl Streep.
C’est l’histoire des deux scientifiques découvreurs d’une météorite qui va prochainement percuter la Terre avec pour conséquence la destruction de toute vie humaine. Ils font de leur mieux pour amener leur gouvernement à agir en conséquence mais la tâche n’est pas facile tant, à tous les niveaux des médias et de la politique, chacun est empêtré dans ses petites habitudes, son narcissisme et ses intérêts égoïstes.
Le film est très apprécié en tant que dénonciation du laissez faire des politiciens vis-à-vis des nombreuses menaces écologiques actuelles mais ce n’est pas en cela qu’il est le plus intéressant.
Ce film me paraît surtout une magnifique illustration de ce à quoi a mené la modernité en tant qu’entreprise de mise à l’écart systématique de l’ordre religieux. Depuis la Renaissance, les hommes ont fait de l’Homme leur priorité et leur étalon de valeur. Le divin a progressivement perdu sa place dans les affaires humaines jusqu’à ce que l’ère des révolutions amène une complète mise à l’écart et, surtout, un activisme anti-religieux radical destiné à éradiquer l’idée même de Dieu dans l’esprit humain.
Tout a été systématiquement « naturalisé », biologisé, mécanisé par la science, les médias et le monde politique de sorte qu’il n’y a plus de transcendance : tout est à l’horizontale, tout est issu de la matière, tout provient de la nature. Ainsi, chacun va pensant et répétant « mon cerveau fait ceci, mon cerveau fait cela » de sorte que tous se retrouvent « naturalisés », c’est-à-dire, dépossédés de leur être, de leur esprit, se réduisant eux-mêmes à la conception économique de l’humain : celle d’automates biologiques rationnels cherchant à maximiser leur jouissance et autres bénéfices.
C’est exactement cela que donne à voir le film Don’t look up : une société à l’horizontale qui, en s’interdisant de facto de regarder à la verticale, a perdu le sens du sacré, le sens des valeurs et, surtout, celui de leur hiérarchie. De sorte que tout se vaut et, par conséquent, rien n’a de valeur hormis ce qui via les médias et les réseaux sociaux, se trouve être l’objet des vogues ou des modes qui polarisent mimétiquement et momentanément l’attention de foules hédonistes autant que moutonnières.
Ceci est particulièrement vrai de nos sociétés occidentales dont c’est peu de dire qu’elles ont perdu leur orient. Nous allons à la catastrophe ou plutôt nous sommes dans la catastrophe, mais avec le « cerveau lessivé », l’œil torve et l’automatisme mental poussé au maximum. Nous obéissons à la propagande qui nous dit quoi penser et, à coup de « fact-checking », nous dissuade de penser dans la marge, de sorte que nous suivons docilement le troupeau qui va à l’abattoir en rang serrés, la tête baissée, oublieux des étoiles, oublieux de la verticale.
Nous sommes dans un déni cosmique, c’est-à-dire, un déni de l’ordre imprimé par le divin dans le monde, un déni du divin donc. Nous refusons de lui être soumis. Nous voulons être libres et imbus du sentiment de notre propre puissance, habités que nous sommes par la promesse du serpent : « vous serez comme des dieux ». Nous rêvons de transhumanisme, d’allongement de la vie à l’infini, etc. Nous n’avons plus de limites et c’est normal, nous avons passé les bornes.
Seul un reality shock pourra nous réveiller et amener les nécessaires prises de conscience. Cela se voit très bien à la fin du film quand, au moment crucial, les protagonistes retrouvent le chemin de la prière faite au Père.
Puissions-nous ne pas attendre d’être confronté à pareille extrémité. La pandémie nous offre déjà l’occasion de réfléchir au sens de la vie. Il s’agirait de découvrir qu’elle ne se situe pas toute entière dans l’horizontale, comme si nous étions de simples animaux savants et jouisseurs. L’Homme est censé se tenir debout, à la verticale, avec un esprit habité par la question de ses origines et de son destin.
Ce n’est pas seulement pour maximiser notre jouissance et en faire des selfies que nous sommes sur Terre. Nous sommes supposés rejoindre la grande marche humaine qui, en conscience — mais aussi, de plus en plus, dans la solidarité fraternelle et même la joie — va de l’Alpha à l’Oméga (au sens de Teilhard de Chardin, pas de Gates & Fauci).
Il est terrifiant de constater à quel point nos vies sont devenues étrangères à cette perspective, à quel point nous nous sommes égarés dans ce monde mondain. Si ce n’est pas un signe de fin des temps, ça y ressemble fort. Quoi qu’il en soit, rien de tel que le visionnage du film Don’t look up pour comprendre la misère de ceux qui vivent à l’horizontale sans conscience de ce qu’ils doivent à la verticale, c’est-à-dire, à Dieu. Pour cette raison, ne vous en déplaise, ce film est à voir, absolument !
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